lundi 14 novembre 2011

Episode 8

Mardi 22 février 2011

Chers tous,
Un petit mot du pays des glaces. Depuis que je suis arrivée, en octobre dernier, je n’ai dû voir Oslo (sans rire) que dix jours sans la neige et la glace, et la neige, et le verglas. (et la neige).
Si je voulais être poète, j’écrirais que j’apprends à conjuguer le verbe neiger à tous les temps, au fil des flocons de ton âme, que quand il neige au fond de mes yeux, des jours sans la glace qui transperce la banquise de mes sentiments, etc, etc.
Mais NON. Ce n’est pas un froid pour la poésie ni la conjugaison. Ce n’est pas léger et joli. Quand on sort le matin, c’est pas « Ohlala, mes biquets mignons, fermez bien votre Kway il fait frisquounet » c’est vraiment « Oh p*** sa mère la ****, il a tellement neigerions cette nuit, qu’encore eut il fallu que je me congelasse pas le potiron, on va tous crever cette fois-ci, sa race. »
L’étape 1 est donc de s’équiper. Le matin, il faut mettre son réveil un quart d’heure plus tôt, pour avoir le temps de mettre toutes les couches possibles et imaginables de vêtements en laine/peau de phoque/d’ours tué au couteau dans une backstreet du quartier mal famé d’Oslo. Sous ses chaussures, il faut clipper des super crampons de 5 cm de long, pour marcher sans se vautrer lourdement comme un Finlandais éméché sur les trottoirs patinoire. (Mais qui font des trous dans la moquette comme si un troupeau de chats sauvages avait fait une rave partie dans le salon.)
L’étape 2 est la première inspiration. Les gars, j’ai enfin compris pourquoi les scandinaves ne s’énervent jamais. Le froid polaire engourdit le visage qui devient en quelques inspirations aussi inexpressif que celui de Cher après ses 16 liftings. Du coup, les narines se figent avec le givre, et on parle au bout de quelques minutes comme quelqu’un ayant passablement abusé de la boisson, à 7h30 du mat’.
L’étape 3 est cruciale : tenter par tous les moyens de ne pas louper le bus. Sinon c’est entre 5 et 10 minutes par -18. Le téléphone sonne? Oui mais est-ce que le coup de fil vaut vraiment le coup de perdre un doigt? (C’est vachement long d’attendre, je vous jure). Parfois, je suis tellement au fond du seau à glace que je pense à vous envoyer à tous un sms du genre : « Je ous aimais, je vais mouri, j’äi déjà perdu 2 doigtrs en ous ecriavnt ça », pour finalement voir le bus arriver.  Merde, too late, je l’ai déjà envoyé à mon meilleur ami, qui une fois m’a répondu, « je reçois le même texto 3 matins par semaine, bordel, Maroni, achète-toi des gants... »
Mais les Norvégiens, eux, ils ont vraiment peur de rien. Vous êtes en béquilles ? Ils en font avec des peaux de phoque dessous pour pas glisser. Vous avez un gamin en bas âge ? Mettez-le dans un petit traineau que vous tractez en ski de fond ! Vous habitez en haut d'une rue en pente ? Rattrapez le bus en ski, en snowboard (véridique) ou en luge dans la rue, voyons !
Et le we, c’est génial puisqu’ils font du ski, du ski, su ski. (Bon de fond bien sûr, ici le ski c’est forcément du ski de fond...). A l’arrivée de la dernière compet’ de ski de fond de Bjørn-Håkon, les mecs qui venaient de se taper cinquante km en ski à -15, il fallait les voir. Ils étaient blancs, avec de la sueur ou de la salive qui avait gelé en stalactites et qui pendait de leur bonnet ou des coins de leur bouche. Les cheveux givrés. Ca foutait les jetons quand même. J'espérais un autographe de Robert Pattinson, j'avais l'impression d'être sur le tournage de Twillight. Mais eux, nan, ils souriaient pour les photos. 
Ca, on peut le dire, les norvégiens ont vraiment la foi. Mais la foi en quoi ? En Norvège il n’y a pas de séparation de l’Eglise et de l’Etat. (D’où le fait d’ailleurs qu’il soit possible de recevoir des invitations du genre : « Viens a la mairie pour fêter ma première communion », ou encore « vous êtes bienvenus à la maison pour une soirée baptême laïque. », paie tes mélanges...)
Le bon roi Harald V est donc le chef de l’Eglise, et le roi d’un petit pays protestant très riche, et en fait purement rationnel et ultra cartésien, avec 100% de baptisés, et peu de croyants finalement.
Ce n’est donc pas en Dieu que les Norvégiens croient, mais bien en LE SKI, LE SKI et LE SKI. C’est une vraie religion, une philosophie de vie. A l’heure où je vous parle, Oslo est en effervescence, la coupe du monde de ski commence demain soir, et justement à Oslo. Tout le monde ne parle que de ca. Rues bloquées, week-end bookés, 90% des produits dans les supermarchés portant le logo de la coupe du monde (y compris les couches, les tubes de mayonnaise, le papier toilette. etc.) Les gens dépensent des centaines d’euros pour assister aux épreuves, ou pour être dans les tribunes du tremplin de saut et voir en live des blaireaux en cellophane risquer leur vie pour au final rester dans l’anonymat.
Toute une histoire. J’ai hâte.
Le bécot à tous,
Martine


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire