mardi 1 novembre 2011

Episode 5

Mercredi 22 décembre 2010
Chers tous,
Comme je ne suis toujours pas enneigée dans un fjord, voici un dernier épisode de Martine chez les blonds avant Noël.
Si je faisais le bilan de mes deux premiers mois ici, il y aurait surtout des aspects positifs. Un bon exemple est la capacité qu’ont les norvégiens à ne jamais vraiment se prendre au sérieux….[1]
Par exemple, ils sont capables de vous dire que le couteau à fromage est l’unique contribution de la Norvège à l’avancée des techniques dans le monde, et que la chanteuse d’AQUA, norvégienne, qui chantait Barbie Girl, fait leur fierté, juste histoire de vous faire rire… Alors qu’avec la mentalité d’un cocorico élevé au bon grain français, ils s’attarderaient volontiers sur le fait que leurs arrière-grands-parents trouvaient déjà ultra ringard le Nokia 8210, sur les incroyables œuvres de Krieg et de Munch, et surtout, sur le niveau de leur PIB par habitant (un calcul du genre : 5 436 milliards de trillons d’Euros/4,9 millions de blonds)…
Au travail, la hiérarchie est raplapla : ils font les organigrammes avec le DG tout en bas, (j’ai jamais été si haut dans un organigramme je crois, avec une bonne frayeur au premier coup d’œil : « putain, il y a le DG dans mon équipe ?? »), et me font goûter de la bière en réunion. Et, véridique, les jours de grand froid, le chef de mon chef distribue des saucisses et du vin chaud à l’accueil pour le petit dej. Pas trop de pression sur l’étiquette, donc…
Autre point remarquable, contribuant au calme de la vie ici, ils s’énervent jamais vraiment non plus. Même quand tu leur as dit : "La capitale de la Norvège, c’est Stockholm, c’est ça? », juste pour voir la fumée sortir des trous de nez de Knut[2], un norvégien qui pète un câble le fait calmement. Il sera capable de vous dire avec le ton apathique de la fille des annonces SNCF « le TGV à destination de Brive-la-Gaillarde va entrer en gare voie C. Eloignez-vous de la bordure du quai, s’il-vous-plait. »
« Je suis franchement hors de moi, nom d’un curé de fjord, je vais casser la cabane en bois puis partir en Islande à la nage, éloigne-toi de moi, trou de balle d’ours blanc, s’il-te-plait »
Pas de cris, pas de larmes donc, pas d’étalage d’émotions, ni au travail, ni dans le cercle privé[3]. Le flegme norvégien n’est donc pas une légende. Et ça les fait bien marrer de nous voir à la télé nous déchainer contre les retraites, par exemple. « Nous, on brûle pas nos huskies quand on est pas contents. »
Autre aspect formidable, la beauté de ce pays. Tiens, il y a trois semaines, on est allés à Tromsø, au nord du nord. C’était tout simplement sublime, cette photo est une photo de notre week-end.

 (Photo n.17, premier soir à l’hôtel)
Nan, je rigole, cette seconde photo est vraiment une photo de notre week-end.
 (Photo n.1, arrivée à l’aéroport, en recherche de la direction de l’hôtel par Thor et par Odin, suivez le Nord et l’hôtel se situe à droite juste avant la Russie)

Dans les points négatifs, il en faut quand même, ça va être évident, mais très vrai : le froid.
C’est un peu comme avec les jours qui durent trois heures, si t’es pas né là, c’est pas évident de s’y faire.
Franchement, je me suis toujours dit que les autochtones ici savaient mieux résister, et justement ce week-end, on en a eu une preuve flagrante. La une des infos était focalisée sur le cas d’un petit garçon d’un an qui s’était échappé de son lit à barreaux puis jeté dans la neige par -15, en voilà un jeu rigolo ! Il a été retrouvé une heure plus tard par son père, son corps à une température de 21 degrés. Transféré en hélico à l’hôpital en catastrophe, il a reçu un traitement typiquement norvégien[4], et aux infos, on voyait le gamin aux joues toutes rouges, en forme, en train de tirer la langue aux cameras le lendemain-même comme si de rien n’était. Bref, je pense vraiment qu'ils ont quelques gênes en rab’.
Pourtant, même certains vikings se font avoir apparemment. Par exemple Bjørn-Håkon, qui a trouvé malin d’aller un soir, par -14, faire cinquante kilomètres en ski de fond, avec sur la tête un béret, et il a eu les oreilles gelées, le pauvre vieux. (Acte manqué ??? Il m’a dit pendant dix jours qu’il n’entendait rien de ce que je disais). C’était surréaliste, elles ont enflé, gelé puis brûlé. Elephant man quoi. Et quand, un dimanche matin en pyjama, il m’a emmenée aux urgences de Tromsø, avec ses oreilles gigantesques et rougeaudes empaquetées dans du PQ parce que je m’étais méchamment ouvert le doigt avec un couteau à pain et que ça pissait le sang, j’ai vu dans les yeux du médecin de garde qui me recousait le doigt comme un « oh la vache, votre vie doit pas être de tout repos »
En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d’année J, le bécot à tous,
Martine


[1] …bon sauf évidemment quand on fait des grosses erreurs bien lourdes de culture génerale sur le Nord de l’Europe. Ce que tous les Francais  font tôt ou tard. Comme la fois où un collègue a failli me balancer son assiette de purée d'oignons des neiges à la gueule, car je croyais que la Finlande était dans la Scandinavie. Un norvégien va s'énerver si vous lui dites que la Norvège est dans l'UE, ou encore si vous lui demandez s'il y a plus de montagnes au Danemark qu'en Norvège, ou pire si vous le confondez avec un Suédois, alors là, c'est le pétage de câble assuré..(cf paragraphe pètage de câble à la norvégienne)
[2] Pas besoin de l'énerver pour ça, en même temps, il fait de toute façon -15
[3] Et pas de fight dans les transports en commun avec les petites veilles riches, ni de scandale dans les restaurants quand la cuisse de baleine est mal cuite…dur dur L
[4] Officiellement, on l'a mis dans une couveuse, officieusement on lui a filé trois larmes de coyotes des neiges dans le crâne d'un ennemi sûrement suédois


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